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La vie privée dans le web
L’avènement du web a donné au World Wide Welcome de Emma Lazarus un vrai sens. Représentant un saut qualitatif du développement humain, internet a révolutionné nos modes de vie, rendu accessible les savoirs et les sciences, raccourci les distances, libéré la parole et rapproché les Hommes et les Cultures. La conscience et la fraternité humaines collective n’ont jamais été aussi intenses.
Comme toute machinerie a son revers, son utilisation n’est pas sans risque. Nos droits sont souvent spoliés : tel le droit à la vie privée.
Le droit à l’intimité de la vie privée fait partie des droits civiles. Ces droits recouvrent des champs vastes forgés par la longue marche de l’homme civilisé.
La loi n’en protège qu’une infime partie : droits à l’intimité corporelle et sentimentale, droit à l’image, droit aux secrets relatifs à la santé.
Pour les autres, nous comptons sur l’étiquette (discrétion) pour les faire prévaloir. Dans certaines traditions humaines, pourtant très anciennes, la violation de la vie privée est, à juste titre, passible de sanctions très lourdes.
Quelques définitions
Internet est le réseau physique reliant d’innombrables ordinateurs entre eux. Le web représente ces innombrables fichiers dispersés sur les serveurs d’internet reliés entre eux par des hypertextes.
Le réseau indexé par les moteurs de recherche est appelé web de surface ou clear web, celui non indexé, web profond ou deep web, car requérant, par exemple, des identifiants comme les comptes emails et bancaires,
on estime le volume du deep web à 500 fois celui du web de surface.
Le dark web, quant à lui, est la partie infime du web profond dont la principale caractéristique est l’anonymat et dont l’accès n’est possible qu’avec certains navigateurs comme Tor.
Les sites du dark web sont les sites dont les administrateurs refusent d’indexer leurs contenus et qui choisissent des spécificités techniques propres pour y accéder.
Enfin, le darknet est l’infrastructure physique et le darkweb est le contenu, de même que pour la distinction internet et web.
L’anonymat, un besoin
Sur Internet, le besoin d’anonymat et de respect de la vie privée reste toujours insatisfait. La loi en Europe et aux USA a timidement introduit des dispositions pour protéger nos données personnelles.
Les bases de données de Google, Microsoft et autres collectent nos données personnelles, classent et catégorisent nos comportements, nous inondent de publicités ciblées.
S’arrêteront-ils là ?
On en doute : n’étant que la face visible de l’iceberg, e scandale Facebook-Cambridge Analytica montre que les appétits des géants de l’internet est insatiable. La sensation de pouvoir disposer des autres fait tourner les têtes. Sans les contrôles, les garde-fous, les règles, les tentations d’utiliser les données personnelles sont irrésistibles.
Quid des institutions censés nous protéger et faire respecter les lois?
Nos vies et données privées ne sont pas bafouées uniquement par les géants du numérique ; des organisations étatiques censées protéger les citoyens et promouvoir la loi et les valeurs humaines, interceptent nos utilisations du web, sous prétexte de nous protéger ; ils ne se gênent pas de nous cataloguer dans des fichiers sous couvert parfois de lois d’exception (Partriot Act).
Cela confirme au moins que les forces liberticides travaillent de concert, les forces marginales dont les crimes ne font que discréditer les causes qu’elles défendent et les individus présents dans les structures étatiques censées les combattre qui instaurent des règlements et loi contraires aux valeurs du droit naturel et aux acquis de la civilisation humaine.
L’Etat qui devrait être l’émanation de la volonté de chacun de nous devient une entité étrangère, oppressante contrôlée par les gens du pouvoir dont le but est de nous soumettre et asservir.
Des réponses privées dans cette jungle
Les lanceurs d’alerte
La résistance, quand nos lois, peinent à nous protéger est individuelle et privée. Des lanceurs d’alerte par leur engagement et sacrifices rappellent nos droits et nous mobilisent. Christopher Wylie, un lanceur d’alerte, déclarait qu’il ne lui faisait aucun doute que Cambridge Analytica a influencé significativement l’issue du vote du Brexit.
Christopher Wylie, le lanceur d'alerte de Cambridge Analytica, affirme que la "tricherie" de Vote Leave a probablement influencé le résultat du référendum sur l'UE.
Le projet Tor (le réseau anonyme)
Tor (acronyme : The onion router), devenu un organisme sans but lucratif en 2006, un réseau mondial qui anonymise les origines des connexions TCP. L’idée est née au milieu des années 90 et fut développée par par les employés de l'United States Naval Research Laboratory : Paul Syverson, Michael G. Reed et David Goldschlag. Ci-dessous une vidéo de NetzpolitikTV qui a interviewé Roger Dingledine. Il y présente les motivations du projet Tor et son histoire.
NetzpolitikTV: Roger Dingledine sur le projet TOR
La Naval Research Loboratory a renoncé à financer ce projet en 2004. The Electronic Frontier Foundation a pris de relais et Tor est devenu un organisme à but non lucratif.
Ce projet a développé aussi le navigateur du même nom Tor Browser dans le but de se protéger contre la censure et la surveillance. Le moteur de recherche par défaut de ce navigateur est duckduckgo.
Le projet Tor résume ainsi ses logiciels et réseaux : Tor n’est pas juste du software, c’est le labeur passionné d’une communauté internationale dévouée aux droits humains…
On trouve parmi les donateurs du projet Tor, l’Etat américain, des ONG, Mozila, google…
Selon des études, Les utilisateurs de Tor se situent en majorité en Europe et aux USA.
Freenet
Freenet, projet opensource, est un réseau informatique pair-à-pair anonyme et distribué construit sur l’internet dans lequel l’ensemble des nœuds participe au stockage et à la diffusion des données.
Il a été développé par Ian Clarke.
Toute une collection de logiciels créée par freenet tend à assurer réseau internet complet pour les utilisateurs sans craindre la censure ou la surveillance.
Le progrès est inéluctable
Les profils des utilisateurs du darkweb sont diverses: Outre les organismes d'intelligence, de renseignement et de sécurité ainsi que les grandes entreprises qui sont des utilisateurs originels pour des raisons évidentes, des journalistes soucieux de la confidentialité des leurs sources et échanges, sans l’anonymat, les journalistes n’auraient pas de sources ; des militants des droits de l’homme opérants dans des pays répressifs ; des lanceurs d’alerte et des activistes, partout dans le monde, qui sans l’anonymat qu’offre ces réseaux ne pourraient pas faire aboutir leurs entreprises, des internautes lambda désireux surfer sur le net sans être tracés et espionnés
Les internautes utilisent Tor essentiellement pour naviguer sur le web de surface et le deep web et très accessoirement pour surfer sur le darkweb. Il s’ensuit que leur utilisation des moyens du dark web est pour éviter la surveillance des FAI et des sites visités et que surtout le besoin de protéger la vie privée n’a pas été totalement perdu.
Profitant de scandales mettant en cause le darknet ( Cf. fermeture de la plateforme Silk road), des voix attentatoires à tout ce qui est libre s’élèvent, çà et là, pour demander l’interdiction du darkweb. On ne pourra jamais l’interdire parce que c’est un réseau collaboratif mondial attaché aux valeurs humaines de progrès.
Fort heureusement, des organisations et des individus, (telle La Quadrature du Net), veillent en France et ailleurs dans le monde pour contrecarrer les discours vendeurs de l’insécurité et luttent sans relache pour un internet libre. Je vous propose enfin de revoir ci-dessous, l’entretien d'Edwy Plenel (Mediapart) avec Laurent Chemla, membre de la Quadrature du net, dans le cadre des 6 heures contre la surveillance en 2015.
Soirée spéciale - Mediapart - 6 heures contre la surveillance : Laurent Chemla